Violent Cases

Le narrateur se rappelle sa rencontre à 4 ans avec un vieux médecin, alors qu’il avait le bras cassé. On racontait qu’il avait été l’ostéopathe d’Al Capone. Alors le gamin écoute chaque jour les souvenirs du vieil homme, les anecdotes du temps de la prohibition, les gangsters, de leurs armes planquées dans des « violent cases » (pour étuis à violons).
Petit à petit, le monde onirique de l’enfant se peuple de ces figures en noir, des histoires étranges de ce monde si lointain. Il reste là fasciné, perdu dans les yeux clairs du médecin…

Par fredgri, le 1 janvier 2001

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Notre avis sur Violent Cases

Lorsque j’étais gamin il m’est arrivé d’imaginer, dans le profil d’un voisin, quelques mystères, je croyais ces histoires, je devenais un fidèle de ces phrases qui commençaient par « Je me souviens, il y a longtemps… », et mon univers se remplissait de mille éclats aventureux.

Progressivement, cette mémoire devint floue, on ne finit par retenir que des vagues reflets, cette atmosphère qui persiste, qui garde ce charme suranné qui nous envoûte encore bien des années plus tard.

C’est de cette matière que s’est nourrit Neil Gaiman dans cet album qui signait ses vrais débuts dans la BD. Dès la première page il nous prend par la main, nous emmène dans ce récit lent, légèrement nostalgique ou les adultes sont des géants, des ombres qui se penchent vers les petits garçons, leur tendent un verre de Coca, leur racontent des histoires de gangsters, une plongée dans l’enfance, dans la fascination qu’elle a pour ces histoires de « grands », un voyage intimiste qui contrebalance entre vision naïve et fantasme de gamin !

Le style est à la fois évocateur, elliptique et très fin. Le tout sans effets, ce qui rajoute en fluidité, malgré parfois des blocs de texte importants. C’est un long monologue en voix off qui rythme cet album parfaitement mis en image par Dave Mc Kean alors au début de sa carrière, lui aussi.
Ce monologue permet d’entrer dans l’histoire au travers des yeux de cet enfant narrateur, au travers de sa vision subjective qui digresse régulièrement, passe du coq à l’âne, se déconcentre et du coup construit un récit protéiforme qui s’apparente davantage à une démarche littéraire que véritablement BD. Gaiman est d’ailleurs l’un des chantres de cette mixité (Comme il le prouvera aussi avec « Signal to noise », avec « Mister Punch » etc. Allant jusqu’à laisser tomber la BD pour écrire des romans !), semblant demander en substance « Quelle est la limite d’un acte littéraire ? »

Mc Kean est le complice fidèle et incroyablement imaginatif de Gaiman depuis des lustres. Son approche de la planche balance entre illustration, montage d’objet, de photo et exercice de style, créant ainsi une cohérence très riche et passionnante qui peut amener un médium à s’extrapoler, se dépasser (une démarche déjà amorcée avec des auteurs comme Sienkiewicz, Kent William, Steranko…) On ne lit donc pas une planche de Mc kean comme n’importe quelle autre, on entre dans un univers graphique. Les choix de style se justifient par rapport à une scène, par rapport à une ambiance donnée. Elles changent, déstabilisent et donnent parfois l’impression d’un joyeux fouillis, mais il ne faut pas s’y tromper, tout est avant tout basé sur le regard subjectif du narrateur, s’il est inquiet, le trait le devient, s’il est amusé et fasciné il s’adoucit. La mémoire devient vague et l’image floue, le récit se perd dans les morceaux de souvenir…

Alors oui, Gaiman et Mc Kean ont depuis fait des merveilles bien plus abouties (comme le fabuleux et encore non traduit « Signal to Noise » pré-cité) mais cet album reste encore une merveille d’intimiste qui, gràce au Diable Vauvert peut à nouveau réapparaître dans les rayons des libraires, une excellente occasion de redécouvrir cette histoire et ce graphisme hors norme.

Je me souviens l’avoir découvert alors que Gaiman n’était pas encore connu, il se tenait dans un coin, au stand de son éditeur, il me signa mon exemplaire sans moucher, presque timidement. Je ne me souviens plus trop de son visage à ce moment là, mais chaque fois que je feuillette cet album, je revois sa silhouette, dans ce coin et ce si sympathique mot griffonné sur cette page de garde « Still my favorite book ! »

Par FredGri, le 23 janvier 2003

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