Au coeur de Metaleurop

Janvier 2003 : dans le Pas-de-Calais, l’usine Metaleurop ferme ses portes. Près de mille ouvriers restent sur le carreau : décision des actionnaires !

Mars 2003 : Jean-Luc Loyer et Xavier Bétaucourt sont sur les lieux et enquêtent sur cette fermeture.

Par Arneau, le 1 janvier 2001

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2 avis sur Au coeur de Metaleurop

Le dessin étrangement proche d’une ligne claire au style naïf marque un contraste étonnant avec le thème traité. Il s’agit en effet de dénoncer ou de s’interroger sur ce qui s’est passé à propos de Metaleurop au moyen de la bande dessinée de plus en plus utilisée pour les grands sujets d’investigation, ce qui montre les larges moyens de ce médium à pouvoir raconter (presque) tout et à s’adresser à tous les publics.
Le problème de Metaleurop est difficile à comprendre car il met en jeu la vie et la santé de nombreuses personnes. Dès lors que les industriels oublient la valeur de l’être humain au profit d’un tiroir caisse bien rempli, on est en droit de s’indigner et de le faire savoir.

L’album « Noir Métal » aurait pu être plus incisif comparé aux drames vécus. La narration un peu lente et un peu en retrait décrit les choses dans une ambiance calme, presque feutrée. Les auteurs dénoncent, nous apprennent les désastres, nous disent comment les analyses sanguines étaient judicieusement programmées à tel ou tel moment et comment les arrêts maladie pour repos étaient prescrits afin de normaliser le taux de plomb dans le sang ; les auteurs expliquent le sacrifice des ouvriers parfois pour leur patrons en acceptant de travailler dans des conditions difficiles maniant des outils lourds et dangereux ; les auteurs disent encore que l’or ( première matière à sortir à l’extraction) a été bizarrement « volé » ; les auteurs tentent de mettre en cause le patronat de l’usine. C’est chose réussie, nous avons appris beaucoup de choses.
Très bien conçu, cet album est enrichi de notes en annexes ce qui devrait au minimum soulever un débat ou susciter la curiosité de ceux qui n’avaient pas suivi l’actualité en début 2003 et qui ignorent tout du drame qui se vit encore aujourd’hui. Un terrible chiffre en conclusion de ce chapitre qui j’espère restera ouvert :

 « Au moment où nous arrêtons ce récit, plus de trois cents anciens salariés de Metaleurop Nord n’ont pas encore retrouvé d’emploi. Treize se sont donné la mort … »       Les auteurs.

L’album mérite d’être défendu pour ce qu’il apporte aux gens du Nord, pour ce qu’il apprend aux autres, et rien que pour ça, bravo aux auteurs d’avoir regardé en face une réalité peu engageante.

Par MARIE, le 8 août 2006

Il ne se passe pas une semaine sans que l’on entende parler de plan social, de redressement judiciaire ou de licenciement massif. Cela en deviendrait presque banal. Les 2 auteurs ont pourtant voulu se pencher sur la fermeture d’une grande usine française de métallurgie. Ils nous relatent la chute de l’usine Métaleurop située dans le Nord, dont ils sont originaires, région généralement plus médiatisée pour sa réussite footballistique que pour le déclin de son industrie.

Jean-Luc Loyer et Xavier Bétaucourt ont décidé pour cela d’utiliser le mode de la BD reportage, relancée par Davodeau, dans lequel ils se mettent en scène. Ils ont opté pour un dessin naïf qui peut d’abord sembler inoffensif et inadapté au ton du récit mais qui contraste forcément avec la violence des faits et qui ne fait, finalement, qu’augmenter l’impact des propos. On fait ainsi connaissance avec les lieux et les gens en même temps qu’eux.
Entre des pollutions aux impacts sanitaires lourds, des pouvoirs publics qui ferment les yeux et des magouilles financières, ils en ont découvert de belles pendant leur enquête ! Ils n’oublient pas non plus d’évoquer la vision déformante livrée par les médias au plus fort de la crise lors de la fermeture de l’usine.

Mais leur objectif n’est pas de faire dans le sensationnel, plutôt d’aller rencontrer les gens derrières ces faits, comme expliqué dans la préface. Et c’est évidemment ça le plus intéressant. Les personnes croisées au cours de leurs investigations sont souvent combatives, parfois fatalistes, pleines de paradoxes aussi, mais toujours dignes. L’amitié et la tendresse ressenties par les auteurs pour les « métallos » sautent aux yeux et l’on pourrait facilement leur reprocher alors un manque d’objectivité. On reste tout de même loin de l’œuvre partisane et le récit est intelligemment complété par une annexe très riche en informations précises et vérifiables. Et si un peu de subjectivité est le prix à payer pour parler de tels sujets en sortant du simple bilan chiffré sans rentrer dans le misérabilisme, alors tant mieux !

Merci donc aux auteurs de se pencher sur un fait d’actualité aussi lourd et de nous en livrer une vision différente. Il permet de se rappeler que derrière les chiffres il y a des gens, des familles. C’est évident, mais le fait de le prendre en pleine face permet de ne pas oublier.

Par Arneau, le 2 mai 2006

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